mots de Annie Ferland, nutritionniste & docteure en pharmacie
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L’autre jour, une jeune femme me confie qu’elle s’est fait faire un plan alimentaire par une coach santé. Elle a décidé de suivre ce plan. On lui a promis que celui-ci allait enfin lui faire retrouver rapidement son poids « santé », celui qu’elle avait avant l’arrivée de bébé. Cette diète est même reconnue pour être sécuritaire, pour avoir sauvé la vie de milliers de gens et est approuvée par un soi-disant médecin ou une « nutritionniste holistique ». Elle ne comprend pas trop les principes métaboliques qui lui ont été expliqués, mais son insuline est la coupable depuis toutes ces années.
Maintenant, il faut tout peser, mettre ses aliments dans des petits contenants prémesurés, bannir bien des aliments de son garde-manger et consommer ce qui est écrit sur le plan prédéterminé. Seulement pour les 28 prochaines journées.
Dans les faits, cette histoire n’est pas une anecdote. Elle est si courante que je ne peux plus compter le nombre de fois où on me l’a raconté. C’est l’histoire des plans alimentaires.
Un plan alimentaire, c’est une diète amaigrissante où l’on nous jure que ce n’est pas une diète. On nous dit que c’est un style de vie, que rien n’est interdit, mais on nous fait calculer les calories. On n’hésite pas non plus à essayer de nous convaincre que c’est bon pour nous à coup de témoignages à succès et de photos avant | après.
« Notre méthode est facile, flexible et sans culpabilité! »
« Si moi et mon groupe y arrivons, vous aussi vous le pouvez (!!!) »
C’est presque toujours pareil. On parle de bons ou de mauvais aliments, de réussite ou d’échec. Pas de notre santé physique, ni psychologique.
Un plan alimentaire, c’est la « solution » pour une perte de poids 100% garantie ou argent remis.
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Un plan alimentaire, ça se soucie rarement de nos goûts, de notre diversité génétique, de notre physiologie ou de notre existence. Après tout, ce n’est pas nécessaire puisque ça laisse rarement la place aux décisions ou à comprendre nos motivations. Le plaisir n’a pas sa place, c’est la discipline et la rigidité qui compte.
« No pain, no gain ».
De nos jours, un plan alimentaire peut prendre bien des formes. Ça peut être un menu, une application cellulaire, un abonnement Web ou une communauté virtuelle sur les médias sociaux. C’est l’une des raisons qui en complique son identification. Un plan alimentaire ou une diète, ça a toujours une apparence trompeuse et ça fait tout pour se déguiser en la tendance de l’heure.
Et ces temps-ci, les diètes amaigrissantes aiment beaucoup s’approprier faussement la crédibilité d’une approche comme l’alimentation intuitive.
L’industrie de l’amaigrissement fera toujours en sorte de nous rassurer sur nos craintes à l’aide d’un habile marketing bien huilé au fil des années. Parce qu’au final, c’est notre argent qui est important. Une-diète-qui-n’est-pas-une-diète, c’est un abonnement annuel qui peut coûter en moyenne entre 20$ et 120$ par mois.
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Il y a aussi le côté vraiment laid des plans alimentaires. Sur le Web, on trouve plus facilement les plans des charlatans – qui se croient experts de la nutrition parce qu’ils mangent trois fois par jour – que les services professionnels des nutritionnistes-diététistes. Dans le fond, qui peut vraiment concurrencer contre l’industrie de la minceur et ses revenus annuels d’environ 8 milliards de dollars?
On peut trouver 5 430 000 différents plans pour perdre du poids en un seul clic sur Google. Pire encore, on n’a même plus besoin de les chercher. Un coach santé bien intentionné finira par nous en proposer un via votre messagerie privée sur Facebook, Instagram ou Tik Tok. Tout ça parce que notre photo semble avoir vraiment besoin de perdre quelques kilos. Pour l’éthique, on repassera.
Il y a aussi les produits parallèles qu’on essayera de nous vendre. Ce sont les shakes nutritifs, les détox, les suppléments de repas, les barres protéinées, bref tout ce qu’on retrouve chez Popeye et Shop Santé. Il faut bien contrôler sa faim par tous les moyens. Comme si le Bon Dieu avait oublié de doter les humains d’une forme d’intelligence et de signaux de satiété. Gare à vous si vous refusez de les acheter, ce sera de votre faute si le plan ne fonctionne pas.
« La science est sans équivoque. Le taux d'échec des plans alimentaires et des diètes amaigrissantes surpasse les 90%, avec des conséquences importantes sur notre santé physique et psychologique. Ça, l'industrie de la minceur le sait très bien. Il est donc tout à fait normal qu'on se sente désemparé, voire même fâché lorsqu'on apprend qu'on nous ment. »
Je pourrais continuer à énumérer sans fin les stratégies et les prétentions des différents plans alimentaires. Mais ce serait un travail interminable.
Je pourrais aussi en débattre à l’infini. Mais l’exercice deviendrait vite redondant.
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Dans la réalité, tous les plans alimentaires nous feront perdre du poids de façon impressionnante à court terme. Pendant cette période qualifiée de lune de miel, on voit son estime de soi gonflée à bloc puisqu’on a l’impression d’avoir enfin le contrôle sur son poids et sur sa vie. On se fait complimenter, féliciter, valoriser pour nos efforts et nos sacrifices. Mais, il y a le côté sombre de la pression de ne pas reprendre du poids, de gérer les interdits, le sentiment d’échec, de culpabilité, de faible estime de soi et d’insatisfaction corporelle.
La santé, ce n’est pas juste physique, c’est la santé mentale aussi. Les efforts et les sacrifices sont bien à l’opposé de l’adoption de saines habitudes de vie, qui se font naturellement dans le plaisir, sans privation et qui sont durables.
L’adoption de saines habitudes de vie devrait être le coeur de toute intervention. Pas le poids, ni l’indice de masse corporelle.
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article original publié le 17 janvier 2017
mise à jour le 19 octobre 2021
Je remercie Karine Gravel, nutritionniste, docteure en nutrition pour sa collaboration à la rédaction de ce billet – karinegravel.com. Karine est l’autrice du livre « De la culture des diètes à l’alimentation intuitive : réflexions pour manger en paix et apprécier ses cuisses » publié par KO éditions.
Merci à Mara Hannan-Desjardins, nutritionniste & Élisabeth Demers-Potvin, stagiaire en nutrition, pour leur contribution à la mise à jour de cet article.
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ÉquiLibre. Les dangers des diètes. [En ligne] (page consultée le 17 juin 2017)
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