Beurre ou margarine, lequel choisir pour sa santé ? - Science et Fourchette
On tranche!

Beurre ou margarine, lequel choisir pour sa santé ?

Quand on se demande s’il vaut mieux mettre du beurre ou de la margarine sur nos toasts le matin, on dirait qu’on doit choisir entre la tradition et la modernité. Entre le naturel et l’industriel, la santé ou le plaisir.

En réalité, on prend position dans une histoire vieille de cent cinquante ans, tissée de science, de politique et d’un peu de marketing. Du beurre baratté depuis des millénaires à la margarine née d’un concours impérial (oui, comme la margarine qui porte le même nom !), notre toast en dit bien plus long qu’elle n’en a l’air.

Je vais répondre à la fameuse question qui brûle nos lèvres: beurre ou margarine ?
Mais avant, laissez-moi vous raconter l’histoire digne du potin le plus « crémeux » que la science alimentaire ait jamais produit.

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mots de Annie Ferland, PhD, DtP-nutritionniste


Quand la margarine n’était pas végétale

Avant que la margarine s’appelle “margarine”, on l’appelait oléomargarine. Et tout commence à Paris, en 1869. L’empereur Napoléon III lance un concours pour créer un substitut au beurre, plus stable et moins cher, destiné à nourrir ses troupes et les classes populaires.

Il faut dire qu’à l’époque, le beurre n’était pas aussi sur la coche que le petit rectangle doré qu’on achète aujourd’hui à l’épicerie. Certains laitiers faisaient du très bon beurre, mais d’autres… pas. On pouvait recevoir un beurre liquide, moisi, ou carrément immangeable.

C’est dans ce contexte que le chimiste Hippolyte Mège-Mouriès s’inscrit au concours. Il relève le défi et invente l’oléomargarine, un mélange de gras de bœuf fondu, de lait écrémé et d’un colorant végétal tiré de la graine d’achiote, qui lui donne cette teinte jaune comme le beurre, si familière.

Bref, c’était très loin de la margarine que l’on connait aujourd’hui.

John L. McMonigle a été incarcéré deux fois pour des infractions liées à la vente illégale d’oléomargarine. Sa première détention remonte à 1913 ; en 1915, il est retourné à la prison de Leavenworth après avoir été arrêté à Saint-Louis. (ARC 596101)

Entre pureté et tromperie

Mais lorsque l’oléomargarine traverse l’Atlantique, il devient vite l’ennemi juré des producteurs laitiers. Sa popularité grandissante fait trembler le marché (et le lobby!) du beurre. En 1886, le Congrès américain adopte la première loi fédérale sur un aliment: l’Oleomargarine Act. Ceux qui vendent de la margarine sans permis risquent la prison, et dans certains États, on va jusqu’à exiger qu’elle soit teinte en rose pour la rendre déguelasse.

Ce n’est pas une figure de style! Des commerçants ont réellement été arrêtés pour avoir vendu de la margarine trop jaune.

Le beurre, c’était la pureté.

La margarine, la tromperie.

Et cette frontière entre le “vrai” et le “faux” beurre allait façonner la perception de la margarine dans nos assiettes pour les cent cinquante années suivantes.

Les gras trans qui ont tout changé

Mais au début du XXᵉ siècle, un nouveau procédé change tout: l’hydrogénation. En ajoutant de l’hydrogène aux huiles végétales, on parvient à les solidifier. C’est la naissance de la margarine 100 % végétale, plus économique, plus stable, et surtout sans gras animal.

Un peu plus tard, la margarine s’est présentée comme l’alternative “santé” et sans cholestérol au beurre. Mais derrière cette image dorée se cachait les gras trans produits par l’hydrogénation partielle utilisée pour rendre solides les huiles végétales.

À l’époque, on croyait ces gras meilleurs que les saturés. Jusqu’à ce que les grandes études des années 1990 démontrent qu’ils augmentaient le mauvais cholestérol (LDL) et abaissaient le bon (HDL).

Le beurre et la margarine, tous deux “pas santé” à un moment donné

Et c’est probablement de là que vient le grand flou qui persiste encore aujourd’hui.
Pendant des décennies, on nous a répété que le beurre n’était pas bon pour la santé, puis que la margarine le remplaçait avantageusement, avant d’apprendre qu’elle aussi cachait ses propres démons.

Avec tous ces changements de cap, c’est normal de ne plus savoir quoi tartiner sur nos toasts le matin.

Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là. En 2018, le Canada a officiellement interdit les huiles partiellement hydrogénées, fermant la porte aux gras trans industriels, dont ceux que l’on retrouvait dans certaines margarines. Donc oui, les margarines n’ont plus de gras trans. Et à partir de ce moment-là, l’histoire du beurre et de la margarine a encore changé.

Espérons pour de bon, cette fois.

La margarine molle et le beurre d’aujourd’hui

Les margarines d’aujourd’hui (en 2025!) n’ont plus rien à voir avec celles d’avant 2018. Elles sont non hydrogénées, souvent faites à partir d’huiles de canola ou de tournesol, riches en gras insaturés bons pour le cœur. Certaines sont même enrichies en oméga-3 ou en stérols végétaux, selon la marque. Leur texture tartinable vient aujourd’hui d’un assemblage d’huiles aux propriétés différentes et de procédés physiques comme le fractionnement, sans recours à la chimie lourde d’autrefois.

Le beurre, lui, n’a pas changé. Et c’est aussi ce qui fait son charme. C’est un aliment simple, obtenu en barattant la crème du lait jusqu’à ce qu’elle se transforme en une pâte onctueuse. Il contient environ 80 % de matières grasses, principalement des gras saturés, et un peu de cholestérol (ce qui, pendant longtemps, l’a placé sur la liste noire des “mauvais gras”).

Beurre ou margarine santé : que choisir sans se tromper ?

Si on parle strictement de santé du cœur, la margarine molle non hydrogénée garde une légère avance. Elle contient surtout des gras insaturés, ces acides gras dits « bons pour la santé» qui aident à abaisser le cholestérol LDL lorsqu’ils remplacent une partie des gras saturés dans l’alimentation.

Mais attention, toutes les margarines ne se valent pas. À l’épicerie, on privilégie:

  • Celles qui sont molles au réfrigérateur, signe qu’elles contiennent surtout des huiles insaturées;
  • Faits à base d’huiles de canola, de tournesol ou de soya (et non d’huile de palme ou de coco);
  • Non hydrogénées, c’est-à-dire sans gras trans;
  • Et si possible, à liste d’ingrédients avec peu d’additifs ou d’émulsifiants.

Les margarines enrichies en stérols végétaux peuvent aider certaines personnes à réduire légèrement leur cholestérol, mais elles ne sont pas nécessaires pour tout le monde.

Le beurre, lui, n’a rien perdu de son charme. Il reste un aliment simple, savoureux et stable. Il n’est pas un ennemi de la santé, il peut trouver sa place, en petite quantité, dans une alimentation variée.

Beurre et margarine, calories pour calories

Et au final, calories pour calories, c’est la même chose. Beurre ou margarine, on parle d’environ 80 % de matières grasses et 720 calories pour 100 grammes. La différence se joue surtout sur le type de gras et le contexte global de l’alimentation, pas sur le nombre de calories à la cuillère.

Mais au fond, ce n’est pas le choix entre beurre ou margarine qui détermine la santé du cœur, c’est l’équilibre de l’assiette entière. Entre la nostalgie du beurre et la modernité de la margarine, on peut surtout se rappeler que la santé ne se tartine pas, elle se construit une bouchée à la fois.


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Références consultées

Dupré R. « “If It’s Yellow, It Must Be Butter”: Margarine Regulation in North America Since 1886. » The Journal of Economic History. 1999 juin;59(2):353-71.

Mozaffarian D, Micha R, Wallace S. Effects on coronary heart disease of increasing polyunsaturated fat in place of saturated fat: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. PLoS Med. 2010;7(3):e1000252. Published 2010 Mar 23. doi:10.1371/journal.pmed.1000252

Lichtenstein AH, Appel LJ, Vadiveloo M, et al. 2021 Dietary Guidance to Improve Cardiovascular Health: A Scientific Statement From the American Heart Association. Circulation. 2021;144(23):e472-e487. doi:10.1161/CIR.0000000000001031

 

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