quand on perd du poids, où va le gras?
Vous le savez, l’unanimité est chose rare sur Internet. Mais s’il y a bien une chose sur laquelle tout le monde s’entend, c’est que les gras trans sont les plus problématiques pour la santé de notre cœur.
En 2018, l’Organisation mondiale de la Santé a lancé l’initiative REPLACE, un plan mondial visant à éliminer les gras trans industriels d’ici 2023.
Au fil des années, plusieurs actions ont été posées au Canada pour éliminer une bonne partie des gras trans dans nos aliments transformés. Le portrait s’est nettement amélioré. Et à partir du 17 septembre 2018, le Canada a interdit la vente de produits alimentaires contenant de l’huile partiellement hydrogénée, l’une des principales sources de gras trans industriels.
Plusieurs pays l’ont fait bien avant le Canada et ont imposé des mesures strictes de réduction des gras trans alimentaires. Et ça s’est avéré très payant : pour la santé publique, mais aussi pour les portefeuilles. Je vous explique.
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Il faut savoir que les gras trans ont été créés de toutes pièces par l’humain. Ils sont le résultat d’un procédé chimique qui permet de transformer – ou d’hydrogéner – une huile normalement liquide à température ambiante en une matière solide ou semi-solide.
L’hydrogénation est un procédé « payant » pour l’industrie alimentaire. Il augmente la stabilité, la résistance à l’oxydation et la durée de conservation des aliments sur les tablettes. Dans les années 1990, les Canadiens figuraient parmi les plus grands consommateurs de gras trans au monde.
Or, avec le temps, on s’est rendu compte que ce procédé était très nuisible pour la santé et qu’il augmentait le risque de mortalité. L’indication des gras trans sur les étiquettes nutritionnelles est d’ailleurs obligatoire au Canada depuis 2002.
Le Danemark a été le premier pays au monde à déployer une interdiction nationale des gras trans. Il a imposé un maximum de 2 % de gras trans artificiels dans les huiles et les gras destinés à la consommation humaine. À la suite de cette politique, les gras trans ont pratiquement été éliminés de la chaîne alimentaire.
En seulement trois ans, la mortalité attribuable aux maladies du cœur a diminué de près de 5 %. Cette mesure a été qualifiée de meilleur choix en matière de politiques de santé publique, puisqu’elle devrait offrir un retour sur investissement très élevé — estimé à environ 361 millions d’euros — pendant de nombreuses années.
De cette expérience, on sait aussi que l’interdiction complète des gras trans, que ce soit dans les produits industriels ou la restauration rapide, est deux fois plus efficace qu’une simple politique d’étiquetage ou de réduction volontaire. Au Royaume-Uni, des modélisations publiées dans le British Medical Journal estiment que l’élimination complète des gras trans pourrait prévenir environ 7000 décès prématurés chaque année.
En 2007, le ministre fédéral de la Santé a fortement encouragé l’industrie alimentaire et les restaurateurs à réduire la quantité de gras trans dans leurs produits. Même si la mesure demeurait volontaire, de nombreuses entreprises ont modifié la composition de leurs aliments — à la fois pour répondre aux attentes du gouvernement et à la pression de l’opinion publique.
Un an plus tard, un échantillonnage national révélait que près de 80 % des aliments préemballés dont l’étiquette avait été examinée respectaient déjà la limite de gras trans recommandée.
Mais ces efforts restaient insuffisants pour atteindre les objectifs de l’Organisation mondiale de la Santé, soit moins de 1 % de l’apport énergétique total provenant des gras trans. C’est pourquoi, en avril 2017, Santé Canada a proposé d’interdire les huiles partiellement hydrogénées (HPH) — la principale source de gras trans industriels — dans tous les aliments vendus au pays.
Le 15 septembre 2017, Santé Canada a pris la dernière mesure menant à l’interdiction des huiles partiellement hydrogénées (HPH). Les fameuses HPH ont été inscrites à la Liste des contaminants et des autres substances adultérantes dans les aliments, rendant ainsi illégale la vente de tout produit en contenant au Canada.
L’industrie alimentaire a dû revoir ses recettes et repenser plusieurs procédés pour se conformer à cette nouvelle réglementation. L’interdiction est officiellement entrée en vigueur le 17 septembre 2018, mais les produits fabriqués avant cette date ont pu être écoulés jusqu’en 2020, pour permettre une transition complète.
Aujourd’hui — lors de la dernière mise à jour de cet article, en 2025 —, les gras trans industriels sont officiellement bannis du marché canadien. Une victoire réglementaire majeure, à la fois pour la santé publique et pour la cohérence de nos politiques alimentaires.
Même si l’élimination des gras trans représente une victoire majeure pour la santé publique, il ne faut pas oublier dans quels aliments on les retrouvait : biscuits, beignes, gâteaux, pâtisseries, grignotines, shortening, margarines, aliments frits ou panés… bref, tout ce que l’industrie ultratransforme pour être croustillant, doré ou moelleux plus longtemps.
Ces produits sont — et resteront — des aliments de faible valeur nutritive, qu’ils contiennent ou non des gras trans.
Autrement dit, le problème ne vient pas seulement du type de gras, mais de la nature même des aliments dans lesquels ils se cachent.
L’interdiction des gras trans a fait le ménage, oui, mais elle ne remplace pas le gros bon sens : celui de choisir, le plus souvent possible, des aliments simples, variés et préparés à partir d’ingrédients qu’on reconnaît.
Sept ans après l’interdiction officielle des huiles partiellement hydrogénées au Canada, le pari semble réussi. Les analyses menées par Santé Canada et l’Organisation mondiale de la Santé confirment que les gras trans industriels ont pratiquement disparu de la chaîne alimentaire. Leur élimination complète figure d’ailleurs parmi les dix politiques nutritionnelles les plus rentables pour la santé publique mondiale.
Mais le travail n’est pas terminé. Certains gras trans d’origine naturelle — ceux présents en très petites quantités dans la viande ou les produits laitiers — continuent d’alimenter la confusion dans le discours populaire. La vraie victoire, c’est donc d’avoir appris à distinguer le danger industriel du simple gras naturel.
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Mise à jour – 22 octobre 2025 : cet article, publié initialement en 2018 lors de l’entrée en vigueur de l’interdiction des gras trans au Canada.
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