Comme beaucoup d’entre nous, j’avais longtemps cru que le glutamate monosodique (MSG), un additif couramment utilisé pour rehausser la saveur des aliments, n’était pas bon pour la santé. J’avais entendu dire qu’il pouvait provoquer des maux de tête, des sensations de picotements et d’autres inconforts. Éviter le MSG me donnait un sentiment de sécurité, me convainquant que c’était mieux d’éviter ce que je pensais être un ingrédient inutile dans ma cuisine. Quelle naïveté !
Aujourd’hui, je sais que cette inquiétude est le produit d’un savant mélange de pseudoscience, de préjugés envers la culture culinaire des personnes d’origine asiatique, de témoignages anecdotiques et d’interprétations scientifiques douteuses. Je vous invite à explorer la vérité derrière cette croyance alimentaire, en démystifiant au passage la science derrière le MSG.
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mots de Annie Ferland, nutritionniste et docteure en pharmacie.
Le syndrome du restaurant chinois, c’est un peu comme la légende du monstre du Loch Ness des années 60. Ça a débuté avec pas grand chose et on en a fait tout un plat.
Tout commence en 1968, quand un médecin nommé Robert Ho Man Kwok publie une courte lettre de moins de 400 mots dans le prestigieux journal médical The New England Journal of Medicine. Il y raconte son expérience personnelle après avoir mangé quelques plats dans des restaurants chinois. Selon lui, ceux-ci l’ont affecté au point de ressentir des engourdissements dans la nuque et une certaine faiblesse. Plutôt que d’y voir quelque chose de sérieux, il lance l’idée que peut-être le MSG (monosodium glutamate ou glutamate monosodique) était à blâmer pour ce qu’il baptisa le « syndrome du restaurant chinois ».
Et juste comme cela, une fausse croyance en nutrition est née.
Le problème, c’est que cette petite anecdote lancée sur le ton de l’humour a déclenché une véritable tempête dans un verre d’eau. Cette expérience personnelle est soudainement devenue une preuve scientifique valable et a semé la panique mondiale autour du MSG.
Au fil des années et malgré l’absence totale de preuves scientifiques solides, la peur autour du MSG a déclenché une véritable chasse aux sorcières culinaire. Les restaurants – surtout asiatiques – ont commencé à afficher fièrement des pancartes « sans MSG » pour rassurer leur clientèle. Mais ce n’est pas tout. Cette panique a même influencé l’industrie alimentaire, qui a rapidement ajouté des étiquettes « sans MSG » sur leurs produits pour apaiser les craintes. Cela a créé un effet boule de neige : plus les gens voyaient ces étiquettes, plus ils se méfient du MSG, pensant que s’il y a tant d’efforts pour l’éviter, c’est que ça doit être dangereux, non ?
Le problème, c’est que cette peur injustifiée ne fait que renforcer les préjugés racistes et les stéréotypes contre la cuisine asiatique. Les étiquettes « sans MSG » ne font que perpétuer l’idée que le MSG est mauvais, alors qu’il a prouvé être tout à fait sécuritaire. Le pauvre MSG traîne une réputation qu’il ne mérite pas, comme si on accusait le ketchup d’être responsable des coups de soleil.
Pendant ce temps, la liste des effets secondaires indésirables continue à s’allonger: maux de tête, transpiration excessive, rougeurs et bouffées de chaleur, nausées, engourdissements ou picotements, douleurs thoraciques, palpitations, faiblesse musculaire, somnolence, etc. Tout ça – je le rappelle – sans qu’une seule étude scientifique ne puisse lier concrètement une consommation normale de MSG à la cause réelle de tous ces symptômes.
Si le MSG n’est pas le problème, alors qui est le coupable?
« Le terme "syndrome du restaurant chinois" a été modifié en 2016 dans le dictionnaire Merriam-Webster pour devenir "syndrome du glutamate monosodique", afin refléter une terminologie plus précise et respectueuse, d'éviter les stéréotypes et les malentendus culturels. »
Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de lien scientifique entre un aliment et des effets négatifs sur la santé que la douleur ou l’inconfort ressenti par les consommateurs sont imaginaires. Les personnes qui souffrent après avoir mangé du MSG (glutamate monosodique) pourraient être victimes de l’effet nocebo, le cousin méconnu et encore plus mystérieux de l’effet placebo. Ce phénomène survient lorsque le simple fait de suggérer qu’un aliment peut causer une réaction négative déclenche… cette même réaction négative. Quand un resto chinois met « sans MSG » sur son menu pour rassurer les clients, il ne fait que renforcer le stigma, et probablement l’effet nocebo par la même occasion. Et tout comme l’effet placebo, l’effet nocebo peut provoquer de vraies réactions physiques.
Bref, l’esprit peut vraiment jouer des tours fascinants.
Kwok RH. Chinese-restaurant syndrome. N Engl J Med. 1968 Apr 4;278(14):796.
Ian Mosby, ‘That Won-Ton Soup Headache’: The Chinese Restaurant Syndrome, MSG and the Making of American Food, 1968–1980, Social History of Medicine, Volume 22, Issue 1, April 2009, Pages 133–151
Henry-Unaeze HN. Update on food safety of monosodium l-glutamate (MSG). Pathophysiology. 2017 Dec;24(4):243-249.
Gouvernement du Canada. Glutamate monosodique (GMS) et autres sources de glutamate dans les aliments [En ligne]. Date de consultation : 2024-09-18