On entend souvent dire que tout le monde devrait absolument prendre des suppléments de vitamine D quand l’hiver arrive et qu’on change d’heure. Pourtant, en se basant sur les études les plus récentes, on constate que cette recommandation ne fait pas l’unanimité. Après tout, il est rare qu’une seule solution convienne à tous en matière de santé. Alors, pourquoi cette idée de supplémentation en vitamine D semble-t-elle si répandue ?
Les recherches montrent que les experts du domaine n’ont pas encore trouvé un consensus. Certains défendent l’importance des suppléments de vitamine D, tandis que d’autres remettent en question leur nécessité. Il est donc compréhensible d’être perdu face à l’abondance d’informations contradictoires.
Au-delà des débats scientifiques (dont nous resterons à l’écart !), il existe certains éléments à considérer avant de décider si les suppléments de vitamine D sont une option à privilégier, ou simplement un choix personnel.
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mots de Annie Ferland, nutritionniste et docteure en pharmacie
L’un des principaux problèmes lorsqu’on nous dit que nous manquons tous de vitamine D en hiver, c’est la confusion entourant la définition scientifique de ce que signifie réellement « manquer » de vitamine D.
En effet, dans le cas de la vitamine D, il n’existe pas de consensus clair sur ce qu’est une véritable carence. Certaines études fixent le seuil de carence à 12 ng/ml de vitamine D dans le sang, tandis que d’autres le placent à 20 ng/ml. Santé Canada, quant à lui, utilise un seuil de 30 ng/ml. Résultat : les chiffres varient considérablement, avec des estimations de la prévalence de la carence en vitamine D qui vont de 8 % à 80 % de la population.
C’est un écart qui n’est pas banal. Si une personne est diagnostiquée en fonction d’un seuil plus haut, elle pourrait recevoir un traitement inutile. En revanche, quelqu’un avec des symptômes évidents de carence pourrait ne pas être pris en charge si le seuil est trop bas. Cela peut entraîner des retards de traitement et des complications.
Pour compliquer encore davantage la situation, il est important de différencier les termes carence et déficience. Bien qu’ils soient parfois utilisés de manière interchangeable, ces mots n’ont pas la même signification ni les mêmes implications pour la santé.
Une carence en vitamine D peut entraîner des problèmes graves, comme le rachitisme ou l’ostéomalacie, des maladies qui fragilisent les os et les déforment. Une carence en vitamine D peut également provoquer une carence en calcium, ce qui aggrave encore la situation.
La déficience, en revanche, n’entraîne pas nécessairement des problèmes de santé à court ou moyen terme. Elle pourrait augmenter – en théorie – le risque de déminéralisation osseuse, mais c’est loin d’être toujours le cas. Dans plusieurs pays scandinaves, des taux plus bas suffisent pour maintenir une bonne santé, même avec peu de soleil !
Pour les personnes en bonne santé, les besoins en vitamine D peuvent généralement être couverts par l’alimentation et quelques minutes d’exposition au soleil chaque jour, même l’hiver. Les données cliniques disponibles ne suggèrent pas non plus que la carence en vitamine D soit généralisée dans la population canadienne. En effet, on estime que la probabilité d’avoir une carence en vitamine D est de 13 % l’hiver et de 5 % l’été. Et dans les faits, les maladies provoquées par une carence en vitamine D ont presque toutes été éradiquées au Canada depuis longtemps.
Et, on peut avoir des niveaux bas de vitamine D dans le sang, sans avoir d’effets sur notre santé à court, moyen ou long terme.
Il est à noter que les maladies liées à une carence en vitamine D semblent plus présentes dans certains sous-groupes de la population, comme les personnes qui habitent dans la région arctique du Canada, les immigrants nouvellement arrivés, les personnes à faible statut socio-économique, ceux qui souffrent de maladies chroniques, et ceux qui adhèrent à des diètes amaigrissantes très restrictives.
On doit aussi souligner que cela touche trop souvent ceux qui n’ont pas le privilège de choisir ce qu’ils peuvent mettre dans leurs assiettes ou qui n’ont pas les moyens financiers de s’acheter des suppléments de vitamine D quand ils en ont vraiment besoin.
Actuellement, plusieurs comités d’experts, tels que ceux de Santé Canada, de la Société canadienne de pédiatrie et d’Ostéoporose Canada, recommandent la prise de suppléments de vitamine D combinée à du calcium pour certains groupes spécifiques de la population. Ces recommandations s’appliquent notamment aux bébés nourris exclusivement au sein, aux adultes de 50 ans et plus, ainsi qu’aux personnes présentant certaines conditions de santé pour lesquelles leur médecin prescrit déjà de la vitamine D.
Pour les personnes en bonne santé qui ne font pas partie de ces groupes, on peut bénéficier de prendre des suppléments de vitamine D l’hiver, mais la science la plus récente ne le juge pas absolument nécessaire. Avant de penser aux suppléments, il faudrait considérer notre génétique, notre exposition au soleil et l’ensemble de notre alimentation.
Et pas seulement l’hiver!
L’une des premières options pour obtenir suffisamment de vitamine D consiste à manger des aliments riches en vitamine D, tels que les œufs (en particulier le jaune), la margarine molle, les poissons gras comme le saumon, l’omble chevalier ou la truite arc-en-ciel, le lait, ainsi que les boissons végétales enrichies. Si ces aliments ne font pas partie de notre alimentation quotidienne, la seconde option est de prendre un supplément de 400 UI (10 µg) de vitamine D.
« Plusieurs préparations de multivitamines standards contiennent entre 800 et 1 000 UI de vitamine D. Il faut donc faire attention si on combine à la fois une multivitamine en plus d’un supplément de vitamine D. »
Sachant tout cela, c’est possible qu’on désire quand même prendre un supplément de vitamine D, même si on n’est pas dans un groupe à risque. À la dose recommandée de 400 UI/jour, les suppléments de vitamine D ne présentent généralement pas de risques ni d’effets indésirables. C’est donc une décision qui nous appartient.
Si on hésite ou si l’on ne sait pas quel supplément choisir, il est fortement recommandé de consulter son médecin de famille, sa nutritionniste ou son pharmacien. Ces professionnels pourront évaluer notre état de santé et nous guider dans le choix le plus approprié. Il est aussi recommandé de demander conseil à son pharmacien avant d’acheter un supplément en pharmacie.
Il est important de se rappeler que l’idée de « plus c’est mieux » n’est pas valable pour la vitamine D. Une dose quotidienne supérieure à 2000 UI nécessite une supervision médicale et peut entraîner des effets indésirables.
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Références scientifiques
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Littérature grise
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