remplacer un steak par des grillons.
Imaginons un monde où le fromage est fait sans lait. Où le plateau de fromages se transforme en terrain d’expérimentation végétale, entre pâte de cajou, huile de coco et levure nutritionnelle. C’est là qu’entrent en scène les “fauxmages”, ou fromages végétaux, selon à qui on parle. Et ils n’ont plus grand-chose de faux.
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Nés dans les frigos des épiceries bio, les fauxmages ont tranquillement conquis les grandes chaînes d’alimentation. Leur promesse ? Offrir une alternative au fromage pour les personnes qui ne consomment pas de produits laitiers — par choix éthique, pour l’environnement, ou à cause d’une intolérance.
Mais la question persiste : est-ce vraiment une alternative nutritionnelle?
Tout dépend de ce qu’on met dedans. Certains artisans partent de noix de cajou fermentées, d’amandes ou de soya, pour créer une texture crémeuse et un goût complexe qui rappelle le fromage affiné. D’autres, plus industriels, misent sur de l’huile de coco, des fécules et des arômes pour reproduire la texture filante d’une mozzarella. Deux philosophies, deux mondes.
Sur le plan nutritionnel, les fauxmages n’ont pas la même carte d’identité que les fromages laitiers. Ceux faits à base de noix contiennent souvent moins de protéines et de calcium, mais davantage de gras insaturés. Ceux à base d’huile de coco, en revanche, sont surtout constitués de gras saturés — parfois même plus que le fromage traditionnel. Côté sel, plusieurs fauxmages peuvent aussi surprendre. pPour compenser le manque de fermentation naturelle et de lait, le sodium grimpe vite.
Et le calcium ? À moins qu’il ne soit ajouté, il est souvent absent. Alors même si le fauxmage peut être un choix éthique ou culinaire, il ne remplace pas le fromage du point de vue nutritionnel.
Les recherches récentes confirment que les fauxmages ne sont pas de véritables équivalents nutritionnels du fromage laitier.
Une vaste étude américaine publiée dans Nutrients en 2022 a analysé 245 fromages végétaux vendus sur le marché américain : 3 % seulement contenaient plus de 5 g de protéines par portion, et moins de 20 % étaient enrichis en calcium ou en vitamine B12. Près de 60 % affichaient une teneur élevée en gras saturés, surtout ceux à base d’huile de coco. Les produits à base de noix de cajou s’en sortaient mieux, avec moins de sodium et un profil lipidique plus favorable. Mais dans l’ensemble, leur composition ne permettait pas de les considérer comme des substituts comparables au fromage laitier.
Une autre étude européenne publiée en 2025 dans Foods a obtenu des résultats similaires : les fauxmages analysés contenaient en moyenne 60 fois moins de protéines et 8 fois moins de calcium, mais 50 % plus de sel que les fromages laitiers classiques. Leur profil en acides gras était dominé par les gras saturés (91 % des lipides totaux), principalement issus de l’huile de coco, ce qui augmente leur indice d’athérogénicité. Malgré une qualité sensorielle jugée « acceptable », les auteurs concluent qu’ils ne peuvent ni remplacer ni égaler le fromage sur le plan nutritionnel ou gustatif.
En somme, les fauxmages représentent davantage une innovation culinaire qu’une alternative nutritionnelle. Tant que leur formulation reposera principalement sur l’huile de coco et l’amidon, leur valeur nutritive restera éloignée de celle du fromage. Les chercheurs recommandent d’explorer des bases plus riches en protéines végétales (légumineuses, soya, pois, amandes) et d’intégrer des procédés de fermentation pour améliorer à la fois le goût et le profil nutritionnel.
Derrière la popularité des fauxmages, il y a aussi un débat de vocabulaire. Le mot “fauxmage” plaît pour son côté ludique, mais agace l’industrie laitière qui y voit une usurpation du mot “fromage”. En Europe, la réglementation interdit d’ailleurs d’utiliser le mot “fromage” pour un produit sans lait animal.
Au Canada, la loi est plus floue, mais la pression commerciale pousse plusieurs marques à opter pour des appellations comme vromage, fromage végétal ou spécialité végétalienne. Et quand on regarde la liste des ingrédients, on comprend vite pourquoi certains puristes froncent les sourcils: huile de coco raffinée, amidon modifié, arômes, colorants naturels, régulateurs de pH… Ce n’est pas forcément “naturel”, même si c’est végétal (mais encore là, ça dépend du fauxmage!)
C’est souvent l’argument phare des adeptes : les fauxmages auraient une empreinte carbone plus faible que les fromages laitiers. C’est vrai, à condition que la base soit végétale (noix, soya, avoine) et que la transformation reste minimale. Mais pour les versions à base d’huile de coco importée ou de noix cultivées loin d’ici, le calcul est plus nuancé. La transformation, le transport et les emballages compensent parfois les gains.
Ceux qui ont goûté à un “brie” de cajou fermenté ou à une tartinade de noix de macadamia le savent. Les meilleurs fauxmages n’essaient pas d’imiter le fromage. Ils inventent autre chose. Une nouvelle catégorie d’aliments, avec leur propre terroir, leur texture, leur savoir-faire. Certains artisans québécois misent sur la fermentation, les cultures vivantes et les ingrédients entiers pour se rapprocher d’un fromage d’affinage, sans renier leurs racines végétales.
C’est peut-être ça, la vraie révolution: arrêter de comparer, et goûter.
Les fauxmages ne sont pas des fromages au sens nutritionnel du terme : ils contiennent souvent moins de protéines, moins de calcium, et plus de gras saturés (surtout ceux à base d’huile de coco).
Mais bien choisis — à base de noix, de légumineuses ou de soya —, ils peuvent être une option intéressante pour diversifier son alimentation, soutenir une production locale ou réduire sa consommation animale.
En attendant, le plus simple reste de garder l’esprit curieux : un morceau de vrai fromage, un peu de “fauxmage”, et surtout, le plaisir de goûter sans se juger.
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Craig WJ, Mangels AR, Brothers CJ. Nutritional Profiles of Non-Dairy Plant-Based Cheese Alternatives. Nutrients. 2022;14(6):1247. Published 2022 Mar 16. doi:10.3390/nu14061247
Majhenič AČ, Levart A, Salobir J, Prevc T, Pajk Žontar T. Can Plant-Based Cheese Substitutes Nutritionally and Sensorially Replace Cheese in Our Diet?. Foods. 2025;14(5):771. Published 2025 Feb 24. doi:10.3390/foods14050771
Observatoire de la qualité de l’offre alimentaire (INAF). Portrait de la catégorie des produits de fromage. Québec (QC) : Université Laval ; 2024 [cité 2025 nov 4]. Disponible sur : https://observatoire.inaf.ulaval.ca/publications-et-rapports/portrait-des-categories-d-aliments/produits-de-fromage/