
Ah, l’acné ! Ce mal qui épargne si peu d’entre nous, surtout à l’adolescence… Et quand on est en pleine bataille contre les boutons, on cherche désespérément une solution. Est-ce les produits laitiers, le sucre raffiné, le gras, le gluten ou le chocolat ?
« J’ai coupé le lait et j’ai maintenant une peau de pêche! » …
… peut-on entendre ici et là.
Si c’était ça la solution, n’aurait-on pas déjà réglé le problème de l’acné pour de bon?
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Mots de Ane-Elsa Lambert, stagiaire en nutrition à l’Université Laval. Sous la supervision de Annie Ferland, dtp-nutritionniste et docteure en pharmacie.
Pour bien comprendre l’histoire de l’acné et des produits laitiers, il faut bien comprendre l’acné. L’acné, c’est avant tout une histoire de pores bouchés par un mélange de sébum, de cellules mortes et parfois de bactéries. Mais ce n’est pas tout : l’obstruction des pores peut aussi être influencée par des facteurs comme les hormones (bonjour la puberté !), la génétique, le stress et la qualité du sommeil.
Autant le souligner tout de suite, l’acné est multifactorielle.
En plus des facteurs internes sur lesquels on n’a pas de contrôle, des éléments externes peuvent aussi jouer un rôle : certains produits de beauté, la transpiration, un lavage excessif – oui, trop laver son visage peut aggraver les choses ! – les médicaments et même le cycle menstruel.
Et puis, certains mettent l’alimentation en cause. Avec tous ces facteurs qui entrent en jeu, il n’est pas étonnant qu’il soit difficile de comprendre pourquoi notre peau fait des siennes.
Pour comprendre pourquoi l’alimentation est si souvent au centre des discussions sur l’acné, il faut remonter un peu dans le temps. Dans le Larousse médical de 1925, par exemple, on trouvait déjà des recommandations alimentaires pour traiter l’acné, telles que l’élimination de certains aliments, comme le poisson, le gibier, les charcuteries et le vin.
« Il faut rappeler qu'à l’époque, on faisait avec les connaissances disponibles, mais il faut reconnaître qu’interdire le vin aux adolescents qui n’ont pas l’âge pour boire est un peu inutile. »
C’est toutefois dans les années 80 que le débat sur l’alimentation et l’acné s’est vraiment polarisé. Et pas à peu près! Un gros manuel scientifique qui visait à éclaircir les controverses en dermatologie comportait une section entière sur ce sujet, illustrant à quel point cette question était déjà au cœur des préoccupations.
Dans un chapitre, les aliments, comme le chocolat, les noix, les bonbons, les boissons gazeuses, les fruits de mer et le fromage, étaient accusés d’aggraver l’acné.
Dans un deuxième chapitre, une autre liste de recommandations suggérait d’éviter des aliments comme le chocolat, les noix, les boissons gazeuses, les plats épicés, les produits laitiers et le jus d’orange.
Et comme si cela ne suffisait pas, une troisième liste excluait carrément des aliments, comme les oranges, les tomates, les noix, l’iode, les produits laitiers, les épinards, et même le porc !
Si même les chercheurs ne s’entendent pas sur les aliments à bannir, pas étonnant qu’on s’y perde! Ces contradictions illustrent parfaitement la confusion persistante entre alimentation et acné. Et souvent, ces controverses en nutrition émergeant simplement en raison de l’absence de données et de bonnes informations.
C’est quelques années plus tard que l’exclusion des produits laitiers a pris une place particulière dans le débat sur l’acné, surpassant l’exclusion des autres aliments.
Le Dr F. William Danby a largement contribué à populariser l’idée d’un lien entre les produits laitiers et l’acné, en grande partie grâce à ses recherches et à sa forte présence médiatique. Dans ses études, il a suggéré que les hormones présentes dans le lait pourraient stimuler la production de sébum, contribuant ainsi au développement de l’acné.
On peut émettre l’hypothèse que cette idée a suscité beaucoup d’intérêt parce qu’elle est simple, percutante et facile à comprendre.
Ses recherches observationnelles – et parfois controversées – ont été largement relayées par les médias, ce qui a contribué à transformer une association en une croyance largement partagée. Toutefois, il est important de souligner que d’autres chercheurs ont tenté de nuancer cette vision. Malheureusement, ces voix ont souvent été éclipsées, car il est parfois plus rassurant d’adopter une solution simple, comme couper le lait, que d’accepter que l’acné puisse résulter de facteurs plus complexes.
De plus, il faut souligner que l’idée de couper le lait aussi a trouvé un écho favorable dans un contexte social où la remise en question des produits laitiers et la montée des alternatives végétales prenaient de l’ampleur.
Les critiques des autres chercheurs à l’égard des études sur les produits laitiers et l’acné méritent quand même d’être prises en compte. Plusieurs chercheurs ont souligné que ces études sont observationnelles, ce qui veut dire qu’elles montrent une association, mais pas une cause directe. Autrement dit, elles ne prouvent pas que le lait cause l’acné, ni que l’arrêter fera disparaître les boutons. Dire que couper les produits laitiers règle l’acné, c’est un peu comme dire que manger de la margarine fait augmenter le taux de divorce dans le Maine : ce n’est pas parce que deux choses arrivent en même temps qu’elles sont forcément liées !
D’autres experts rappellent que l’acné est multifactorielle et influencée par la génétique, les hormones, le stress et l’ensemble du mode de vie. Pourtant, l’une des études les plus citées pour soutenir l’idée d’un lien entre les produits laitiers et l’acné repose sur un questionnaire où des femmes adultes devaient se souvenir de leur consommation de lait lorsqu’elles étaient au secondaire. Autrement dit, on leur demandait d’estimer, des décennies plus tard, la fréquence à laquelle elles buvaient du lait à l’adolescence. Ce type de méthodologie, basé sur la mémoire des participantes, présente des limites importantes et ne permet pas de tirer des conclusions solides.
« Moi qui ai du mal à me rappeler ce que j'ai mangé hier ... »
Malgré ces nuances, l’idée que les produits laitiers provoquent l’acné a été amplifiée par les médias, les témoignages et les réseaux sociaux, transformant une hypothèse en une croyance bien ancrée. Cette idée continue également d’alimenter le discours des adeptes de l’exclusion du lait. Pourtant, le consensus scientifique reste bien plus nuancé, et il est essentiel d’adopter un regard critique avant de tirer des conclusions définitives.
Mais à ce jour, rien ne confirme que bannir les produits laitiers nous garantit une peau de pêche.
Les expériences personnelles qui incitent à couper les produits laitiers peuvent être inspirantes, mais soyons réalistes : on ne peut pas exclure d’autres facteurs comme une routine de soins adaptée, un maquillage différent, la prise de médicaments, un meilleur sommeil ou des changements hormonaux qui ont pu jouer un rôle plus important.
Au final, les études les plus solides montrent que la meilleure approche reste une alimentation équilibrée, riche en végétaux et en grains entiers.
« Rien ne prouve que ça marche, mais je peux essayer, ce n’est pas la fin du monde ! »
En théorie, pourquoi pas. En pratique, c’est une autre histoire. Retirer les produits laitiers demande du temps et des ajustements. Et si, après tout ça, l’acné ne change pas ? C’est beaucoup d’efforts pour un résultat incertain.
Si on veut quand même tenter l’expérience, mieux vaut le faire avec l’accompagnement d’une nutritionniste pour éviter les casse-têtes inutiles et s’assurer de bien combler ses besoins.
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