quand le marketing des diètes s'invite sur les emballages alimentaires. - Science et Fourchette
Sujets chauds

quand le marketing des diètes s’invite sur les emballages alimentaires.

Cette semaine à l’épicerie, je suis tombée sur les fameuses nouilles de konjac avec zéro calorie. En regardant de plus près, on mentionne aussi qu’elles sont sans glucides, sans gluten, sans grains, riches en fibres, sans OGM, sans gras, végétaliennes, biologiques, kasher et kéto friendly. On dirait un aliment miraculeux-pour-ne-pas-grossir. Ça explique peut-être même pourquoi une marque de nouilles a poussé l’audace jusqu’à se nommer « Miracle Noodle ». (+)

mots de Élisabeth Demers-Potvin, stagiaire au baccalauréat en nutrition à l’Université Laval


Devant ce généreux éventail de « mentions santé » calqué sur le marketing des diètes, on dirait presque qu’il faut se mettre au régime. La nouille de konjac est probablement le meilleur (et le pire) exemple du marketing des diètes qui s’invite sur les emballages alimentaires. C’est même légitime de se demander comment un aliment aussi gluant, qui ne fournit pas d’énergie, qui ne goûte rien et qui sent la crevette crue oubliée dans le frigo ait pu devenir aussi populaire en si peu de temps.

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Marketing tendance.

Le marketing alimentaire est omniprésent sur les emballages et ne date pas d’hier. Avec les allégations et les publicités, c’est indéniable, ce type de marketing contribue à la cacophonie nutritionnelle dans laquelle on baigne. C’est même rendu difficile de s’y retrouver face aux multitudes de mentions qui créent un halo santé * autour d’un aliment.

Ce qui est peut-être un peu plus nouveau, c’est la vague de marketing inspiré des messages utilisés par l’industrie de l’amaigrissement.  Nos préoccupations à l’égard de notre apparence, qui sont conditionnées par les standards de beauté, risquent de nous amener à choisir des nouilles de konjac dans le but de perdre du poids. Avec ses zéro calorie, on renforce l’idée que de conserver un certain contrôle alimentaire est souhaitable. On ressent moins la culpabilité à consommer des nouilles qui ne font pas engraisser. C’est rassurant de savoir qu’un aliment nous garantit à l’aide d’un logo que ça s’harmonise à notre nouvelle diète. Tout ça, c’est vendeur et payant, mais loin d’être bienveillant. On risque d’avoir faim.

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Acheteurs potentiels.

Nous sommes tous visés par ce type de marketing, mais il cible surtout les gens suivant une diète amaigrissante ou désirant perdre du poids. La plus récente Enquête québécoise sur la santé de la population a rapporté que plus de la moitié des Québécois auraient entrepris des actions pour contrôler leur poids. Ça fait beaucoup de consommateurs potentiels pour acheter beaucoup plus de nouilles.

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Du vent, c’est payant.

C’est payant de mettre des mentions sur les emballages! On a fait le calcul. Mes nouilles de konjac m’ont coûté 2,25$ par 100 g, ce qui est 11.5 fois plus cher (!!!) que 100 g de spaghettis réguliers cuits. Mais, puisque les nouilles de konjac sont composées à 97% d’eau et de 3 % de fibres solubles, contiennent zéro calorie et sont une source négligeable de nutriments, on devrait plutôt les comparer à un verre d’eau.

Je n’ai pas osé refaire le calcul avec l’eau …

Les nouilles de konjac, comme bien d’autres produits de ce type, sont souvent plus couteuses que leurs équivalents qui ne portent pas de mentions suggérant la minceur. Bien de ces aliments sont ultra-transformés, de faible qualité nutritionnelle et maquillés sous des emballages au halo des diètes amaigrissantes. Ceci contribue à la désinformation, puisque certaines compagnies profitent des tendances alimentaires de l’heure pour tirer profit de nos vulnérabilités face aux standards de beauté.

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Se protéger.

Les lois entourant le marketing alimentaire au Canada sont pleines de bonnes intentions pour nous protéger, mais elles comportent aussi plusieurs failles. Et en ce moment, avec le marketing des diètes qui s’invite sur les emballages alimentaires, c’est le Far West. À mon avis, il est impératif que les mentions sur les emballages soient mieux encadrées par Santé Canada. Ce marketing s’avère pernicieux pour le consommateur, en jouant sur nos sentiments et en se déguisant sous une apparence trompeuse de « santé » . Toutes ces mentions encouragent la culture des diètes, en la rendant encore plus présente autour de nous, même jusqu’à l’épicerie.

La meilleure façon de se protéger, c’est de garder notre indépendance nutritionnelle face à ce qu’on met dans notre assiette. C’est d’oublier de regarder les logos et les mentions santé. On devrait toujours baser nos choix sur le tableau de valeur nutritive et la liste des ingrédients.

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* C’est quoi un « halo santé »?

C’est un biais cognitif qui influence notre perception en donnant une apparence saine à un produit, alors que ce n’est pas nécessairement le cas. Les logos indiquant des modes alimentaires comme «keto», «naturel», «paleo», «super aliment» ou mettant en évidence le nombre de calories, de sucre ou de gras sur le devant des emballages sont des exemples de stratégies marketing créant ce halo. D’ailleurs, une étude démontre que les compagnies qui fabriquent des collations dites « santé » utilisent plus de mentions/logos que les produits réguliers équivalents.


Remerciements.

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Je remercie Annie Ferland, nutritionniste et docteure en pharmacie & Mara Hannan-Desjardins, nutritionniste, pour leur contribution à l’écriture de cet article.

Références

Association pour la santé publique du Québec, PSMA : Démasquer l’industrie de l’amaigrissement. 2015. [En ligne] (page consultée le 31 octobre 2021).

Breen M et al., Prevalence of Product Claims and Marketing Buzzwords Found on Health Food Snack Products Does Not Relate to Nutrient Profile. Nutrients, 2020.

Gouvernement du Québec, L’Enquête québécoise sur la santé de la population 2014-2015: pour en savoir plus sur la santé des Québécois. 2016.

Gouvernement du Canada. Allégations santé sur les étiquettes des aliments. 2019. [En ligne] (page consultée le 2 novembre 2021).

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