Le sucre: 10 questions à une nutritionniste - Science et Fourchette
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Le sucre: 10 questions à une nutritionniste

On me pose souvent des questions sur le sucre: est-ce qu’il est vraiment addictif? Faut-il le couper complètement? Est-ce qu’il nuit au sommeil ou à la concentration des enfants?

J’ai donc pris le temps de répondre à 10 questions que j’ai reçues de ma communauté. Avec bienveillance, rigueur scientifique et sans culpabilité, on fait le point ensemble sur ce qu’on sait, ce qu’on croit… et ce qu’on peut nuancer. Parce que comprendre le sucre, c’est aussi apprendre à mieux manger, sans tomber dans les extrêmes!

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Mots de Annie Ferland, PhD, DtP-nutritionniste


Les aliments zéro sucre sont-ils nécessairement meilleurs pour la santé?

Pas nécessairement. Ce n’est pas parce qu’un aliment est « sans sucre » qu’il est automatiquement meilleur pour la santé. Certains produits remplacent le sucre par des édulcorants, des matières grasses ou d’autres additifs pour compenser le goût ou la texture, ce qui n’est pas toujours un gain nutritionnel. Par exemple, un muffin « sans sucre ajouté » peut quand même contenir de la purée de dattes ou du jus de fruits concentré – qui sont des sources de sucre, juste dites autrement. Et s’il est aussi riche en gras saturés ou en calories qu’un muffin régulier, on ne gagne pas grand-chose côté santé.

C’est pour ça que sans sucre ne veut pas toujours dire « meilleur choix ». Et parfois, le message sans sucre nous donne l’impression qu’on peut en manger plus librement, ce qui fausse notre perception. Ce qui compte vraiment, c’est l’ensemble de l’alimentation, pas juste une allégation.

Collage artistique d’une femme en maillot de bain montant une échelle dans un bol de nouilles konjak à 0 calories, illustrant l’influence des standards corporels sur l’alimentation.
Sous les promesses “sans sucre” et “léger”, c’est tout un imaginaire de minceur qui s’imprime sur nos assiettes.

Est-ce que le sucre blanc est réellement mauvais?

Non, le sucre blanc n’est pas mauvais en soi. C’est du saccharose, une molécule composée de glucose et de fructose, qu’on retrouve aussi dans le sucre de canne brut, le sirop d’érable ou le miel. La structure est la même, même si la couleur ou l’origine varie. C’est pour ça qu’on entend souvent « du sucre, c’est du sucre ».

Ce qui peut poser problème, c’est surtout la quantité de sucre ajouté que l’on consomme, notamment lorsqu’il est ajouté à plusieurs aliments transformés que l’on mange sans s’en rendre compte. Mais dans un contexte alimentaire équilibré, un peu de sucre blanc n’a rien d’alarmant.

Est-ce vrai qu’il faut limiter les « blood sugar spikes » même si on n’est pas diabétique.

Non, il n’est pas nécessaire d’éliminer tous les pics glycémiques si on n’est pas diabétique. Certaines applications et discours populaires exagèrent donc l’importance de garder une glycémie parfaitement stable, ce qui peut devenir anxiogène – et inutile – pour la majorité des gens. En réalité, une élévation de la glycémie après un repas, c’est tout à fait normal. C’est même ce qu’on attend d’un métabolisme qui fonctionne bien.

Ce qui peut être plus intéressant à regarder du point de vue scientifique, ce sont les pics très fréquents, très élevés ou suivis de chutes rapides de la glycémie, qui peuvent parfois influencer l’énergie, la satiété ou, à long terme, certains marqueurs métaboliques. Par exemple, si on déjeune avec une pâtisserie sucrée et un jus, on peut avoir un regain d’énergie rapide… suivi d’une baisse tout aussi brutale une heure plus tard. Certaines personnes disent alors se sentir « en hypoglycémie », même si leur glycémie est encore dans les valeurs normales.

Ces montagnes russes glycémiques ont plus de chances de survenir lorsqu’on consomme des aliments riches en sucres ajoutés, pauvres en fibres ou de faible valeur nutritive. Autrement dit, ce n’est pas tant la glycémie qu’il faut surveiller que la qualité globale des aliments qu’on mange.

Est-ce qu’on peut devenir accro au sucre si on en mange trop?

C’est une question qu’on entend souvent, et c’est vrai qu’on peut avoir l’impression de toujours en vouloir plus. Mais sur le plan scientifique, la réponse est non : on ne devient pas dépendant au sucre comme on le serait à une drogue.

Ce qu’on observe surtout, c’est que plus on essaie de le couper complètement, plus il prend de la place dans notre tête. Ce n’est pas une dépendance physiologique, mais plutôt une réaction normale à la restriction. Le sucre devient alors un “aliment interdit”, ce qui peut déclencher des fringales ou des compulsions, surtout quand on mange peu ou qu’on se prive.

Collage d’un homme assis prenant des notes sur un tas de sucre pendant qu’un autre tient une pelle, avec en arrière-plan un mur de morceaux de sucre, illustrant la métaphore d’une enquête sur l’addiction au sucre.
Derrière les gros titres qui comparent le sucre à la cocaïne, une seule question mérite d’être posée : qu’est-ce que la science dit vraiment de cette idée?

Quel est l’effet du sucre sur le sommeil? À quelle heure on ne devrait plus du sucre avant d’aller dormir?

Des études suggèrent que manger des aliments riches en sucre (surtout en sucre ajouté), surtout en soirée, pourrait nuire à la qualité du sommeil. Cela pourrait retarder l’endormissement, réduire le sommeil profond et augmenter les réveils nocturnes, en partie à cause des variations de la glycémie et de la perturbation hormonale. Certains chercheurs pensent aussi que le sucre consommé tard en soirée pourrait aussi envoyer un signal qui pourrait dérégler l’horloge biologique du corps.

Cependant, comme ces résultats viennent surtout d’études observationnelles, on ne peut pas affirmer avec certitude que le sucre est la cause directe de ces troubles. Il reste donc possible que d’autres facteurs liés au mode de vie jouent aussi un rôle.

Si on fait de l’hypercholestérolémie génétique, on doit couper le sucre?

Si on vit avec une hypercholestérolémie familiale, ce n’est pas le sucre qu’il faut absolument « couper », mais plutôt l’alimentation dans son ensemble qu’il faut ajuster stratégiquement. Le sucre en soi n’est pas directement responsable du cholestérol élevé, mais une alimentation riche en produits ultra-transformés et pauvres en fibres peut aggraver le profil lipidique. Cela dit, même avec une alimentation exemplaire, ce type de cholestérol élevé est d’origine génétique : le foie en produit trop, peu importe ce qu’on mange.

Dans ce cas, la médication est souvent nécessaire pour réellement réduire le risque cardiovasculaire, et l’alimentation vient en soutien, pas en remplacement du traitement.

Quels « faux sucres » sont à éviter ou sont plus dommageables et pourquoi?

Il n’y a pas de « faux sucre » qu’on doit absolument éviter à tout prix, mais certains édulcorants comme l’aspartame, le sucralose ou l’acésulfame-K ont été questionnés dans la littérature, notamment pour leurs effets potentiels sur la santé – bien que les données chez l’humain restent limitées. Les polyols comme le sorbitol ou le xylitol sont souvent mieux tolérés, mais peuvent causer des ballonnements ou des inconforts digestifs s’ils sont consommés en grande quantité.

Cela dit, ces édulcorants se retrouvent souvent dans des produits ultra-transformés à faible valeur nutritive (barres, desserts industriels, boissons diète ou aliments avec un marketing minceur), ce qui soulève une autre question : que nous apporte réellement l’aliment, au-delà de l’absence de sucre? En nutrition, on gagne à regarder l’ensemble du profil de l’aliment plutôt que de juger un ingrédient isolé. Aucun édulcorant n’est parfait, et leur impact dépend surtout du contexte, de la dose… et de la personne qui les consomme.

Collage artistique représentant un homme assis sur une sucette géante devant des montagnes, illustrant le besoin de recul pour comprendre les véritables effets du sucre.
De “le sucre est-il une drogue?” à “faut-il vraiment l’éliminer?”, on répond aux questions que vous vous posez pour vrai.

À raison de quelle quantité le sucre est considéré ok dans notre alimentation quotidienne?

Selon les recommandations de Santé Canada, il est suggéré que les sucres ajoutés ne dépassent pas 10 % de l’apport calorique quotidien — ce qui équivaut à environ 50 g de sucres ajoutés par jour pour une personne consommant 2000 calories. Cela inclut les sucres ajoutés aux aliments pendant la transformation ou la cuisson, mais pas ceux naturellement présents dans les fruits, les légumes ou les produits laitiers. L’Organisation mondiale de la santé va un peu plus loin en suggérant qu’une limite de 5 % pourrait offrir des bénéfices supplémentaires, soit environ 25 g par jour.

Ce n’est pas une obligation de tout mesurer au gramme près, mais ça donne un bon repère pour faire des choix éclairés. L’idée, ce n’est pas de viser le zéro sucre, mais de prioriser les aliments nutritifs et de limiter les sources de sucres ajoutés qui s’accumulent souvent sans qu’on s’en rende compte.

Est-ce qu’il y a un lien entre le sucre et le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH)?

On entend souvent dire que le sucre cause ou aggrave le TDAH, mais jusqu’à maintenant, aucune étude bien menée n’a permis de démontrer un lien direct et constant entre la consommation de sucre et les symptômes du TDAH. Certaines recherches évoquent une possible agitation temporaire après avoir consommé du sucre, mais ces effets sont variables, souvent subjectifs, et les études sont souvent mal contrôlées (petits échantillons, absence de groupe placebo, biais d’observation). Bref, on est loin d’une preuve solide.

Cela dit, pour les enfants (ou les adultes) qui vivent avec un TDAH, l’alimentation joue quand même un rôle important, surtout si une médication est utilisée. Certains médicaments peuvent réduire l’appétit de façon marquée, ce qui rend encore plus essentiel de maximiser la qualité nutritionnelle des repas, surtout quand l’appétit est au rendez-vous (souvent au déjeuner ou en soirée).

L’objectif n’est pas de restreindre des aliments de façon rigide. On peut vouloir limiter les sources de sucres ajoutés, sans pour autant exclure ceux naturellement présents dans les fruits, le lait ou les céréales complètes. L’enjeu, c’est de soutenir l’énergie, la concentration et la croissance avec une alimentation adaptée aux besoins réels de la personne, sans tomber dans une approche culpabilisante.

Comment rétablir un équilibre et une relation saine quand mon conjoint interdit le sucre aux enfants?

L’ouverture, l’écoute et la bienveillance sont essentielles quand on aborde des sujets aussi sensibles que l’alimentation des enfants, surtout quand deux parents n’ont pas la même vision. L’objectif n’est pas de gagner une bataille, mais de créer un terrain commun où chacun se sent entendu et où les enfants peuvent grandir avec une relation saine à la nourriture.

Interdire complètement le sucre peut partir d’une bonne intention (vouloir protéger la santé de ses enfants) mais cette approche a aussi ses limites. Oui, réduire les sucres ajoutés est une bonne chose, surtout quand ils sont présents en grande quantité dans les aliments ultra-transformés. Mais interdire complètement les aliments sucrés peut avoir des effets inverses, comme créer de la curiosité excessive, favoriser des comportements où on en mange en cachette, ou donner l’impression que certains aliments sont « mauvais » ou « toxiques ».

À l’inverse, intégrer le sucre de façon occasionnelle, sans en faire tout un événement, peut aider les enfants à développer une relation plus détendue et équilibrée avec la nourriture. L’idée, ce n’est pas de banaliser le sucre, mais de l’aborder comme un aliment parmi d’autres, qui peut avoir sa place sans culpabilité ni obsession. Une bonne stratégie peut être de choisir ensemble les moments où on savoure quelque chose de sucré, en misant sur le plaisir, l’enseignement, la modération.

Si le sujet crée des tensions, il peut être utile d’en discuter avec un.e professionnel.le de la santé (comme une nutritionniste) pour poser les bases d’un cadre commun, basé sur la science et la réalité du quotidien.


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Les réponses fournies dans cet article sont de nature générale et ne remplacent pas une consultation personnalisée avec une nutritionniste. Pour des conseils adaptés à votre situation, n’hésitez pas à consulter : https://odnq.org/trouver-une-dietetiste-nutritionniste/

Références scientifiques

« WHO’s war on sugar ». The Lancet. 2016;388(10055):1956.

Yudkin, John, 1910-1995. (1972). « Pure, white and deadly: the problem of sugar ». London :Davis-Poynter Ltd.

2020 Dietary Guidelines Advisory Committee, Dietary Patterns Subcommittee. « Dietary Patterns and Risk of Cardiovascular Disease: A Systematic Review ». Alexandria (VA): USDA Nutrition Evidence Systematic Review; 15 juillet 2020.

Institut national de santé publique (2017). « La consommation de sucre et la santé » [En ligne], Gouvernement du Québec https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2236_consommation_sucre_sante_0.pdf. Consulté le 26 février 2025.

Santé Canada (2025). « Messages de sensibilisation à l’étiquetage sur le devant de l’emballage » [En ligne] https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/aliments-et-nutrition/messages-sensibilisation-etiquetage-devant-emballage.html. Consulté le 24 février 2025.

Santé Canada (2024). « Étiquetage nutritionnel : Allégations nutritionnelles » [En ligne]. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/etiquetage-nutritionnel/allegations-nutritionnelles.html. Consulté le 24 février 2025.

Santé Canada (2022). « Sucres : Les sucres et votre santé » [En ligne] https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/nutriments/sucres.html. Consulté le 24 février 2025.

Organisation mondiale de la Santé (2015). « Guideline: Sugars Intake for Adults and Children » [En ligne] http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/149782/1/9789241549028_eng.pdf?ua=1. Genève : Organisation mondiale de la Santé. Consulté le 24 février 2025.

Thomas DT, Erdman KA, Burke LM. « American College of Sports Medicine Joint Position Statement. Nutrition and Athletic Performance » [correction publiée dans Med Sci Sports Exerc. Janv. 2017;49(1):222].

Ramne S, Brunkwall L, Ericson U, et al. « Gut microbiota composition in relation to intake of added sugar, sugar-sweetened beverages and artificially sweetened beverages in the Malmö Offspring Study ». Eur J Nutr. 2021;60(4):2087-2097.

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