Il faut arrêter de dire que le barbecue augmente les risques de cancer - Science et Fourchette
Sujets chauds

Il faut arrêter de dire que le barbecue augmente les risques de cancer

Dès que les beaux jours s’installent et que les barbecues s’allument, un autre feu reprend vie: celui des inquiétudes. « Attention, le barbecue, c’est cancérigène! » « T’as vu les études? » « Faut vraiment éviter le noir sur la viande, c’est toxique. » Chaque été, la cuisson sur flamme vive est accusée de tous les maux, surtout celui d’augmenter les risques de cancer.

Mais est-ce que la science confirme vraiment ce que tout le monde répète? Est-ce qu’on devrait avoir le goût de vendre notre BBQ sur Marketplace?

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mots de Annie Ferland, PhD, dtp-nutritionniste


Le barbecue, coupable idéal?

Tout d’abord, il est vrai que certaines études ont sonné l’alarme. Cuire de la viande à très haute température (plus de 200 °C / 400 °F), surtout jusqu’à la carbonisation, peut produire deux types de composés potentiellement problématiques:

  • Les amines hétérocycliques (AH), formées dans la viande quand elle est cuite à haute température.
  • Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), produits quand le gras fond sur les braises ou les flammes, créant de la fumée qui s’imprègne dans la nourriture.

En laboratoire, ces substances ont effectivement montré un potentiel cancérigène, mais surtout chez des rongeurs, et à des doses qu’aucun humain ne consommerait en une seule vie.

Faut-il vraiment s’alarmer?

Selon le National Cancer Institute (NCI), les études de population chez l’humain n’ont pas établi de lien clair entre les AH, les HAP et un risque accru de cancer. Les doses utilisées dans les études animales? Équivalentes à des milliers de steaks carbonisés consommés régulièrement.

Le problème, c’est que les études peinent à isoler le barbecue comme seul facteur de risque. Pourquoi? Parce que ceux qui aiment leur steak bien grillé consomment aussi, souvent, plus de viandes transformées, comme le bacon, les charcuteries ou les hot-dogs, des suspects bien mieux documentés dans la littérature scientifique. C’est pour ces raisons que plusieurs chercheurs souhaiteraient que le discours sur le barbecue et le cancer soit mieux nuancé.

Question de ne pas faire peur inutilement à des gens qui n’ont pas du tout besoin de s’inquiéter.

Toutes les viandes ne sont pas égales côté cancer

De plus, toutes les viandes ne se valent pas quand on parle de risque de cancer. Les viandes transformées, comme le bacon, les charcuteries et les saucisses sont classées comme cancérogènes avérées pour l’humain (groupe 1), au même titre que le tabac ou l’amiante, mais avec un risque bien moindre. Les viandes rouges (bœuf, porc, agneau) sont classées comme probablement cancérogènes (groupe 2A), surtout si elles sont consommées en grande quantité ou très cuites. À l’inverse, les viandes blanches et les poissons ne sont pas associés à un risque accru de cancer.

Comme on peut le voir, c’est une autre information cruciale si on veut recentrer le débat.

Carbonisation vs caramélisation

Et si on parle souvent des risques liés à la viande carbonisée, encore faut-il savoir bien distinguer la caramélisation et la carbonisation.

La caramélisation, c’est cette belle réaction de Maillard. C’est une transformation naturelle qui se produit quand les sucres et les protéines réagissent à la chaleur modérée (entre 140 et 165 °C). C’est elle qui donne la croûte dorée et les arômes savoureux à nos aliments. Ça, la science l’a démontré, ce n’est pas un degré de cuisson qui inquiète pour notre santé.

La carbonisation, c’est la phase au-delà de la cuisson. Elle commence quand on dépasse largement la température de la réaction de Maillard. Ce phénomène peut se produire :

  • sur le BBQ, si la viande est trop près de la flamme ou cuite trop longtemps;
  • dans la poêle ou au four, si la température est trop élevée sans surveillance;
  • quand des résidus de marinade sucrée brûlent sur le dessus.

La viande devient noire, dure, amère – en un mot, calcinée. On ne parle plus de goût, mais de dégradation chimique. C’est là que se forment certaines substances potentiellement cancérigènes comme les amines hétérocycliques (AH).

Le brun doré du steak caramélisé vient de la réaction de Maillard, qui sublime les arômes. Le noir charbon du morceau carbonisé, lui, signale une cuisson excessive qui peut produire des composés associés à un risque accru de cancer.

La carbonisation ne se limite pas qu’au barbecue!

Ce phénomène peut survenir à la poêle, sur la plancha, dans un wok ou au four. Que l’on cuise dans la maison ou dehors sur le patio. Ce n’est pas le mode de cuisson qui est en cause, mais l’excès de chaleur et de temps. Quelle que soit la méthode, si on laisse trop cuire… ça crame. Et ce n’est pas ce qu’on veut.

Et ce qu’on devrait répéter, c’est que ce sont les viandes rouges et les charcuteries, surtout lorsqu’elles sont très cuites ou carbonisées, consommées fréquemment, qui sont associées à un risque accru de cancer.

Illustration surréaliste d’un hamburger géant avec des jambes humaines marchant sur un barbecue en flammes, entouré de fumée — une métaphore visuelle du débat autour du barbecue et du cancer.
Un steak bien saisi, c’est de la cuisine. Mais si on en est rendu à gratter notre viande pour l’identifier, c’est peut-être allé un peu trop loin. C'est dur, ce n’est pas savoureux, ce n’est pas santé, et ce n’est surtout pas nécessaire.

Une question de dose… et de contexte

Alors, combien de steaks brûlés ça prend pour avoir le cancer?

Eh bien, on ne le sait pas!

Et tant qu’on n’aura pas de données robustes, on doit manier ces recommandations avec prudence. Ce n’est pas la même chose de manger une côtelette de porc noircie tous les jours que de profiter d’un burger bien cuit quelques fois par été, entre amis, avec du maïs grillé et une bonne salade.

La vraie question, ce n’est pas: est-ce que le barbecue cause le cancer?
C’est: quel est le risque concret lié à nos habitudes alimentaires.

« Ce n’est pas le barbecue qu’il faut accuser, mais l’obsession de tout vouloir brûler… ou interdire sans nuances. »

Mettre à jour le narratif du barbecue et du cancer

À force de diaboliser la cuisson au barbecue, on risque de détourner l’attention des vrais facteurs de risque. Comme :

  • La surconsommation de viandes transformées.
  • L’absence de fibres dans l’alimentation.
  • Le manque d’aliments végétaux protecteurs.
  • Et bien sûr, le tabac et l’alcool, bien plus puissants dans la genèse des cancers.

D’ailleurs, la plupart des lignes directrices internationales en alimentation recommandent de limiter la consommation de viande rouge à moins de 500 g par semaine (poids cuit) et d’éviter les viandes transformées autant que possible.

Recommandation prudente (basée sur le principe de précaution)

Si on consomme des viandes très grillées ou carbonisées tous les jours, ou plusieurs fois par semaine, surtout en combinaison avec d’autres facteurs de risque (tabac, alcool, faible consommation de fibres), on entre dans une zone où la prudence est justifiée. On peut alors:

  • Éviter de carboniser nos viandes (la cuisson à température modérée est toujours préférable puisque plusieurs experts s’entendent sur le fait que la fréquence et le degré de carbonisation importent plus que le mode de cuisson).
  • Retirer les parties calcinées.
  • Privilégier les viandes maigres.
  • Faire mariner (avec un ingrédient acide comme le vinaigre ou le jus de citron, et peu ou pas d’huile).
  • Diversifier les sources de protéines – pourquoi pas des brochettes végétariennes?

MAIS …

Un burger bien cuit ou un steak au BBQ à l’occasion – 1 à 2 fois par mois – ne présente pas de risque mesurable dans une alimentation variée et équilibrée.

En conclusion: il ne faut pas brûler les étapes (ni les steaks)

Finalement, de dire que « le barbecue cause le cancer », c’est un peu imprécis comme affirmation. Oui, des composés préoccupants comme les AH et les HAP peuvent se former quand on carbonise une viande. Mais non, cela ne veut pas dire que chaque bouchée grillée est un danger ambulant.

Il faut retenir:

Le risque est lié à la fréquence, à la dose, et au degré de carbonisation – pas seulement  l’outil de cuisson.

Alors, on l’utilise avec modération, on surveille la cuisson, on varie les sources de protéines… et on n’oublie pas que le plaisir de manger ensemble autour d’un BBQ fait aussi partie d’une bonne santé.

Parce qu’en matière de cancer, ce n’est pas ce qu’on mange une fois quand on fait une fête qui pèse dans la balance.

C’est ce qu’on fait tous les jours, dans l’ensemble.


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Références scientifiques

Santé Canada. Agence de la santé publique. Que faut-il faire pour réduire les risques de cancer? [Internet]. Ottawa (ON) : Gouvernement du Canada; [cité 2025 mai 15]. Disponible sur : https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies-chroniques/cancer/faut-faire-reduire-risques-cancer.html

National Cancer Institute. Heterocyclic amines and polycyclic aromatic hydrocarbons [Internet]. Bethesda (MD) : National Cancer Institute; [cité 2025 mai 15]. Disponible sur : https://www.cancer.gov/about-cancer/causes-prevention/risk/diet/cooked-meats-fact-sheet

Sinha R, Knize MG, Salmon CP, Brown ED, Rhodes D, Felton JS. High concentrations of the carcinogen 2-amino-1-methyl-6-phenylimidazo[4,5-b]pyridine in chicken but not in beef cooked under simulated home cooking conditions. Cancer Res. 1998 May;58(10):2283–6.

Turesky RJ. Mechanistic evidence for red meat and processed meat intake and cancer risk: a follow-up on the IARC Working Group. Crit Rev Food Sci Nutr. 2021;61(15):2631–42.

Duedahl-Olesen L, Ionas AC. Formation and mitigation of PAHs in barbecued meat – a review. Crit Rev Food Sci Nutr. 2022;62(13):3553-3568.

Cross AJ, Leitzmann MF, Gail MH, Hollenbeck AR, Schatzkin A, Sinha R. A prospective study of red and processed meat intake in relation to cancer risk. PLoS Med. 2007;4(12):e325.

World Cancer Research Fund; American Institute for Cancer Research. Meat, fish and dairy products and the risk of cancer [Internet]. Londres : WCRF International; 2018 [cité 2025 mai 15]. Disponible sur : https://www.wcrf.org/dietandcancer/meat-fish-and-dairy-products/

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