
Je suis nutritionniste et on me demande souvent si on peut manger un aliment périmé. Si c’est dangereux. Ma réponse va être longue puisqu’il y a beaucoup de nuances. Parce que cela dépend de ce qu’on entend par “périmé” et de ce qui se cache derrière cette fameuse date de péremption.
Voici donc ce que la science dit et ce qu’on oublie souvent de dire.
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Tout dépend du type d’aliment… et du type de “périmé”.
Si on parle d’un aliment dont la date “meilleur avant” est dépassée, mais qui a été entreposé correctement et n’est pas ouvert, il n’y a peut-être aucun danger. L’aliment peut avoir perdu un peu de goût ou de croquant, mais il n’est pas automatiquement contaminé. En fait, la majorité des aliments secs, des produits laitiers pasteurisés et des conserves peuvent être consommés sans risque après cette date, tant qu’ils ne présentent aucun signe de détérioration (odeur suspecte, moisissure, gonflement, etc.).
Mais attention! Dès qu’il est question de produits frais très périssables (viandes, poissons, plats préparés, charcuteries), le risque est bien réel.
Le risque principal, c’est l’intoxication alimentaire. Elle est causée par des bactéries pathogènes comme Salmonella, E. coli, Listeria ou Clostridium perfringens.
Les symptômes sont souvent digestifs, comme des nausées, des crampes abdominales, de la diarrhée ou des vomissements, généralement dans les heures qui suivent l’ingestion. Mais, chez les personnes plus vulnérables (jeunes enfants, aînés, femmes enceintes ou personnes immunosupprimées) certaines bactéries peuvent entraîner des complications graves, voire fatales, comme une listériose ou un botulisme.
Et le plus insidieux, c’est que certains aliments contaminés n’ont ni goût étrange, ni mauvaise odeur, ni apparence suspecte. Ce qui veut dire qu’on ne peut pas toujours s’y fier à l’œil nu.
Pas besoin d’un laboratoire à la maison. Mais un peu d’observation et quelques bons réflexes peuvent faire toute la différence
La date “meilleur avant”, ce n’est pas un caprice gouvernemental ni une règle arbitraire. C’est le fabricant ou le transformateur de l’aliment qui la détermine. Et il le fait en fonction de tests de stabilité réalisés sur le produit.
Généralement, ces tests permettent d’évaluer la durée pendant laquelle l’aliment conserve ses propriétés sensorielles (goût, texture, odeur), la stabilité de ses nutriments (vitamines, minéraux), et sa salubrité dans des conditions normales d’entreposage. En clair, on entrepose l’aliment dans différentes conditions (température, humidité, lumière), on le teste régulièrement, et on choisit la date à laquelle sa qualité commence à décliner.
Le tout, souvent avec une marge de sécurité.
La réglementation canadienne (ACIA) exige qu’on indique cette date sur les produits préemballés ayant une durée de conservation de moins de 90 jours. Mais même au-delà de cette période, certains fabricants choisissent d’inclure une date, notamment pour rassurer les consommateurs.
Heureusement, tous les aliments ne deviennent pas dangereux ou impropres à la consommation après leur date “meilleur avant”. Certains sont même très tolérants. En voici quelques exemples :
Le bon réflexe, c’est d’ouvrir, sentir, observer.
Certains aliments sont nettement plus sensibles à la contamination, surtout s’ils sont riches en eau, peu acides, ou déjà manipulés.
On parle ici des charcuteries, viandes et poissons frais, en particulier une fois leur emballage ouvert. Les fruits de mer cuits, tartares, trempettes maison, ainsi que les repas préparés, sandwichs et plats cuisinés font aussi partie des catégories à haut risque. Même chose pour les produits laitiers non pasteurisés, ou encore le lait cru et les jus non pasteurisés, qui peuvent héberger des bactéries comme Listeria monocytogenes, parfois même avant la date “meilleur avant”, si la chaîne de froid a été rompue.
En cas de doute, on ne prend pas de chance. On jette! Parce que la sécurité alimentaire vaut mieux qu’un soupçon de culpabilité ou une envie de ne pas gaspiller.
On l’a vu, la date “meilleur avant” est un repère de qualité, pas un verdict de salubrité. Elle peut nous aider à planifier, mais elle ne remplace pas nos cinq sens, ni notre jugement.
Manger un aliment après sa date “meilleur avant” n’est pas automatiquement risqué, surtout s’il a été bien conservé, qu’il n’est pas ouvert, et qu’il n’a subi aucune altération visible ou olfactive.
Mais certains aliments sont plus sensibles, et dans ces cas-là, la prudence est de mise. Il vaut mieux jeter un produit douteux que risquer une intoxication, même si ça fait mal au cœur (et au portefeuille).
La littérature scientifique biomédicale n’aborde pas directement ce qu’on pourrait appeler le marketing de la date de péremption. Mais plusieurs travaux universitaires en gestion, en économie et en sciences de la consommation ont soulevé un point troublant. La date “meilleur avant” jouerait parfois un rôle stratégique dans la perception de fraîcheur, dans la gestion des stocks et dans nos habitudes d’achat.
Certaines entreprises choisiraient ainsi de la fixer plus tôt que nécessaire, non pas pour des raisons de salubrité, mais pour accélérer le roulement des produits en rayon. Comme consommateur, on croit bien faire en jetant un aliment encore parfaitement bon, alors qu’on vient, sans le savoir, d’entrer dans une mécanique d’obsolescence perçue.
Une manœuvre discrète. Subtile, mais redoutablement efficace.
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Agence canadienne d’inspection des aliments. Date de péremption et date « meilleur avant » sur les aliments. Gouvernement du Canada. 2022 [Internet]. Disponible sur : https://inspection.canada.ca/fr/etiquetage-aliments/etiquetage/consommateurs/dates-meilleur
Gourvernement du Québec. Thermoguide: Durée de conservation des aliments. 2023 [Internet]. Disponible sur : https://www.quebec.ca/sante/alimentation/salubrite-aliments-prevention-risques/salubrite-aliments-domicile/conservation-aliments/duree-conservation
Guillemot S, Pouget V, Bricas N. Accélérer la transition vers une alimentation plus durable: quels leviers pour faire évoluer les pratiques alimentaires ? Montpellier : CIRAD; 2023. Rapport de recherche.
EFSA Panel on Biological Hazards (BIOHAZ), Koutsoumanis K, Allende A, et al. Guidance on date marking and related food information: part 2 (food information). EFSA J. 2021;19(4):e06510. Published 2021 Apr 22.