
Elle enflamme les tacos, rafraîchit les rouleaux impériaux et fait briller les salades thaï… mais pour certains, la coriandre a un goût ou une odeur désagréable, souvent comparée à du savon ou de la terre. Pourquoi cette herbe fait-elle l’unanimité chez les uns et l’effet d’une haine viscérale chez d’autres?
Entre génétique, chimie et mémoire sensorielle, la science a quelques réponses pour les personnes qui détestent la coriandre.
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Il suffit d’un soupçon de coriandre dans un plat pour déclencher des réactions passionnées. Pour plusieurs, c’est l’herbe fraîche par excellence. Pour d’autres? Une simple feuille et c’est la grimace.
Il semblerait que jusqu’à 1 personne sur 5 trouve que la coriandre goûte le savon, selon certaines études menées sur des milliers de participants. Et non, ce n’est pas juste une impression dans leur tête ou une question de mauvaise volonté.
La grande coupable? Ce serait peut-être une molécule aromatique appelée aldéhyde – la même qu’on retrouve dans certains produits de nettoyage. Chez les personnes sensibles à ce composé, ces aldéhydes sont perçus comme extrêmement désagréables, avec une saveur savonneuse, métallique ou même terreuse.
Et ce n’est pas une question d’être « difficile ». Une variation génétique du gène OR6A2, impliqué dans la perception des odeurs, pourrait expliquer cette aversion envers cette herbe aromatique. Ce gène est plus actif chez certaines personnes, ce qui rend leur perception des aldéhydes plus intense et franchement peu appétissante.
Quand on dit que la coriandre goûte le savon, il est tentant avec cette explication de tout mettre sur le dos de la génétique. Et pourtant… l’héritabilité estimée de cette perception ne dépasse pas 8,7 %. Ce chiffre veut dire quoi?
Le reste, c’est un cocktail bien plus complexe. Nos habitudes culturelles, comme dans certaines régions du monde, où on mange de la coriandre dès la petite enfance. Nos expositions répétées, comme un aliment qu’on goûte souvent et qui devient plus familier, parfois même plus agréable. Et même la façon dont la coriandre est cuisinée (crue, dans un ceviche vs. mijotée dans un curry) peut complètement changer sa perception.
Bref, notre langue goûte avec ses papilles, mais aussi avec ses souvenirs, son environnement et sa culture.
L’étude de 23andMe, qui explique les liens génétiques entre la coriandre et le goût de savon est la plus utilisée pour expliquer le phénomène. Réalisée auprès de plus de 25 000 participants, cette étude de type GWAS (association génomique à grande échelle) visait à repérer un lien entre une variation d’ADN et le fait de percevoir un goût de savon en mangeant de la coriandre.
C’est une étude fascinante, certes, mais surtout exploratoire et elle a ses limites. Elle repère un gène (OR6A2), mais ne nous dit pas comment il agit concrètement sur notre nez ou notre palais. Et comme il s’agit d’un sondage en ligne, les biais sont bien présents. Les gens qui y participent sont souvent plus curieux, plus scolarisés, et peut-être plus enclins à remarquer ou rapporter certains goûts.
On leur a simplement demandé : « Trouvez-vous que la coriandre goûte le savon? » Ce n’est pas un test de goût en laboratoire. C’est une impression subjective, influencée par l’enfance, les plats qu’on a mangés, ou même le souvenir désagréable d’un chili trop garni.
Bref, c’est une porte d’entrée sur le sujet, pas une réponse définitive. C’est pourquoi il faut être prudent quand on parle de gène et de coriandre.
23andMe est une entreprise qui vend des tests ADN à faire chez soi. En échange d’un peu de salive, on obtient des infos sur ses origines, ses traits physiques… et parfois ses préférences alimentaires.
Contrairement à la recherche universitaire, qui se fait en labo, avec des protocoles très rigoureux, 23andMe s’appuie sur les réponses auto-déclarées de ses clients. Les résultats sont intéressants, mais ils ne remplacent pas des études cliniques ou expérimentales menées selon les standards scientifiques. Ce sont des points de départ pour la recherche, pas des vérités gravées dans le marbre.
Certains parlent aussi de “pseudo-allergie” à la coriandre. Quand elles en mangent, leurs lèvres picotent, elles ont une sensation de brûlure dans la bouche, ou des inconfort digestif. Dans la majorité des cas, ce n’est pas une allergie IgE médiée, mais une réaction d’intolérance ou d’hypersensibilité.
Les herbes fraîches comme la coriandre contiennent une variété de composés aromatiques volatils et parfois des résidus de pollen ou d’autres contaminants qui peuvent provoquer des réactions chez les personnes sensibles.
Mais attention! En cas de doute réel sur une réaction allergique, on consulte un professionnel de la santé.
Le goût n’est pas qu’une affaire de gènes. C’est aussi culturel, émotionnel et éducatif. Dans plusieurs cultures, on est exposé très tôt à la coriandre. Elle devient une signature gustative familière, aimée, voire attendue.
Des études suggèrent même qu’on peut entraîner ses papilles à tolérer (et parfois aimer) certains aliments initialement détestés, comme le café noir, le fromage bleu… ou la coriandre. L’exposition répétée, dans des contextes positifs, peut désensibiliser les papilles et reprogrammer notre “aimer”.
Détester la coriandre, ce n’est ni un caprice ni un snobisme. C’est une interaction complexe entre génétique, perception sensorielle, expériences passées et contexte culturel.
Alors la prochaine fois que quelqu’un pousse son assiette en murmurant « ça goûte le savon! », pas besoin de débattre: la science est de son côté… comme du nôtre si on en mange à volonté.
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Eriksson, N., Wu, S., Do, C.B. et al. A genetic variant near olfactory receptor genes influences cilantro preference. Flavour 1, 22 (2012).