finis ton assiette si tu veux du dessert - Science et Fourchette
Sujets chauds

finis ton assiette si tu veux du dessert

On l’a tous déjà dite cette phrase-là. Peut-être même hier soir. Ou ce midi, entre deux bouchées avalées debout pendant que le spaghetti débordait de la casserole. C’est une phrase qui semble sortir toute seule, comme un réflexe ancestral, un vestige de notre propre enfance.

On la dit avec les meilleures intentions du monde. Pour inciter notre enfant à manger autre chose que ses croquettes avec du ketchup. Pour éviter qu’il ait faim avant le dodo. Pour garder un semblant d’ordre dans ce chaos qu’est parfois le souper en famille.

Une phrase qu’on dit tous… mais qui mérite qu’on y repense un peu.

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mots de Annie Ferland, PhD, dtp-nutritionniste


Finir son assiette pour manger du dessert

Mais ce petit chantage sucré, si banal en apparence, sème parfois un drôle de message dans la tête des enfants. Comme si les légumes étaient une punition. Comme si le dessert, c’était la vraie récompense. Et c’est là que la question mérite d’être posée. Sommes-nous en train de bâtir, sans le vouloir, une dynamique alimentaire qui ne nous ressemble pas?

Le brocoli fait concurrence à la crème glacée

Le problème n’est pas tant le dessert lui-même. Ce n’est pas non plus le fait de vouloir que notre enfant mange équilibré. Ce qui est en jeu ici, c’est le message sous-entendu. Quand on dit à un enfant qu’il doit finir son assiette pour “mériter” un dessert, on met les aliments en compétition. On leur donne une valeur. Et sans le vouloir, on place les légumes au bas de l’échelle et le dessert tout en haut.

Ça donne comme résultat que les aliments deviennent des outils de négociation. Et manger, une corvée à endurer pour enfin avoir accès au plaisir. Pourtant, le repas est censé être un moment agréable, sans hiérarchie, où chaque aliment a sa place. Le brocoli n’a pas besoin d’être aimé autant qu’un biscuit, mais il mérite qu’on l’approche avec curiosité, pas avec peur ou obligation.

“Mais mon enfant ne mangerait que du dessert, sinon!”

C’est une inquiétude que j’entend souvent comme nutritionniste. Et elle est légitime. C’est vrai qu’il y a des périodes où les enfants semblent traverser une phase où il y a juste le sucré d’intéressant. Mais ce n’est pas une raison pour conditionner l’accès au dessert.

Le dessert n’est pas une récompense, c’est un aliment comme les autres.

Si un dessert est prévu, il peut être offert, peu importe ce qui a été mangé avant. Pas en catimini. Pas comme un trophée. Juste comme une suite logique du repas. On peut tout simplement le servir au même moment que tout le monde, une fois que le repas est terminé.

Et si l’enfant a encore faim après? On peut lui offrir une portion de ce qu’il reste dans son assiette. Pas une deuxième part de dessert. On établit ainsi une structure cohérente et sécurisante, sans entrer dans le jeu des “si” et des “mais”.

Tarte aux pommes avec crème glacée et collage d’un enfant en noir et blanc, illustrant la tension entre le repas principal et le dessert, dans un article qui parle de la phrase
Finis ton assiette si tu veux du dessert. Une phrase qu’on dit tous… mais qui mérite qu’on y repense un peu.

Un dessert peut aussi être nourrissant

Le dessert n’a pas besoin d’être un piège à sucre déguisé pour être apprécié. Une salade de fruits juteuse, un yogourt aux petits fruits, un pouding maison au tofu soyeux, un muffin aux carottes fait maison. Ce sont aussi des desserts. Des aliments simples, bons, et qui complètent souvent un repas qui manquait de fruits, de produits laitiers ou même de légumineuses.

C’est aussi l’occasion d’équilibrer le repas autrement. Un plat principal sans légumes? Le dessert peut devenir un terrain de jeu pour y glisser de la courgette râpée, de la citrouille, ou des haricots noirs bien camouflés. Et puis, parfois, oui, le dessert sera une tarte au sucre ou un brownie. Et c’est correct. Parce que manger, ce n’est pas qu’un calcul de nutriments. C’est aussi du plaisir, de la culture, des traditions.

Et parfois, un peu de réconfort.

Et si on l’a déjà dit… on respire.

Malgré toutes nos bonnes intention, malgré qu’on ait lu cet article, on va certainement encore le dire plusieurs fois le « finis ton assiette si tu veux du dessert ».

Il n’est pas question ici de juger. On a tous dit cette phrase un jour, souvent par automatisme, rarement par malveillance. Ce n’est pas grave. Ce n’est pas un échec. C’est une opportunité de faire les choses autrement, un repas à la fois.

Ce qu’on souhaite, à long terme, c’est que nos enfants développent une relation positive avec la nourriture. Qu’ils apprennent à écouter leur faim, à goûter avec curiosité, à aimer manger sans se sentir pressés, punis ou manipulés.

Et pour ça, on n’a pas besoin de leur faire mériter le dessert. Il suffit de leur montrer que tous les aliments peuvent coexister dans une même assiette. Même les brocolis et le gâteau au chocolat.


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